Itinéraire 20: A l’assaut des Alpes
Des virages jusqu’à bout de souffle et en toile de fond des panoramas grandioses pour un plaisir non dissimulé, c’est tout le bonheur qui vous attend sur cet itinéraire à parcourir uniquement l’été. Les Alpes du Sud ont quelque chose de magique. De sommets en vallées, on peut y prendre son pied, avec ou sans ski… aux pieds !
C’est sur deux ou trois roues, comme en possède notre Spider, que nous rejoindrons Digne-les-Bains. Le camp de base de la balade est situé au cœur de PACA et de sa grande réserve géologique. A peine quittée la capitale de la Haute Provence, les Alpes qui font barrière au regard imposent le respect. On les imagine couvertes de neige en hiver, impraticables aussi.
Mais pour l’instant, la D900 qui file en direction du nord promet de jolis instants de vie. Elle serpente d’abord dans la vallée où arbres fruitiers, blés et forêts de pins se passent le relais pour annihiler tout risque de morosité jusqu’au verdoyant Labouret, qu’on escalade en pente douce. Inscrit au rallye de Monte-Carlo historique, ce col de troisième catégorie a été franchi à trois reprises par le Tour de France cycliste. Après un passage entre d’étonnantes parois de pierres stratifiées, ne vous laissez pas troubler par les planeurs qui survolent les environs de Seyne ! Dans ce village, tout aussi connu pour être la capitale du mulet de la Vallée Blanche intéressez-vous aux fortifications… ou aux bars proposant des boissons fraîches . Le guidon retrouvé, un crochet par la D207 vous entraînera au gré des virages et champs dans une nature intacte, simplement ponctuée de belles maisons alpines. La petite station de Saint-Jean Montclar est sympa, même en été. Allez, on dégringole maintenant sur la vallée de l’Ubaye avec une vue féerique sur le lac de Serre- Ponçon.
La région du Lauzet est un haut lieu des sports d’eau vive et, peut-être depuis la D900 vous tirerez-vous la bourre avec un rafting navigant sur l’Ubaye ! Mais vous seul pourrez entrer dans Barcelonnette, les rues piétonnes de la charmante petite ville étant interdite aux embarcations « non-homologuées ». Impossible de passer sans visiter Barcelonnette, ni jeter un œil aux maisons construites par les émigrés du XIX ème, à leur retour du Mexique. Inspirez, expirez, car une autre merveille vous attend tout proche.
C’est le col d’Allos, très étroit et divin, qui grimpe entre les falaises et les précipices simplement isolés par des murets de pierre, comme sur les routes corses. Souvent fermé en hiver, motards comme cyclistes doivent en avoir relevé le défi une fois dans leur vie ! Lorsque le tintement des cloches de vaches s’éteint, la végétation est devenue rare. L’oxygène aussi. A 2247 m, le sommet du col est vaincu et, après une photo devant le panneau on plonge sur l’autre versant avec la Foux- d’Allos en vue, petite, en dessous, tout là-bas si bas. A moto sur une route désormais plus large, méfiez-vous des gravillons qui amusaient presque notre Spider, toujours confiant sur ses trois points d’appui. La Foux est un village, une station de ski presque méconnaissable quand la neige disparue. Après Allos, si vous avez un peu de temps, optez pour une promenade vivifiante jusqu’au lac du même nom. Sinon, poursuivez la descente.
Colmar, cité de Caractère
Chemin faisant, vous arriverez à Colmar-les-Alpes, dont il faut visiter les fortifications de Vauban avant de revenir sur ses pas. Prendre alors sur sa droite, à l’entrée du village, une route non panneautée menant au col des Champs. Si aucun plaisantin n’en a baissé la barrière, engouffrez-vous sur cette minuscule voie. Et c’est parti pour des dizaines de virages à presque 360° et un revêtement chaotique souvent dégradé courant dans de superbes sous-bois, avec des plaques de graviers vicieuses, toujours tapies dans l’ombre. La verdure forme parfois un tunnel, de sapins et de chênes ; c’est la forêt Domaniale du Haut Verdon.
A l’altitude 1700 m, vous pourrez boire au relais (si ouvert) avant de poursuivre l’ascension dans un paysage toujours plus lunaire. Au terme des 12 km d’accélérations et de freinages, de rapports montés et de rétrogradages, vous toucherez au col. Du sommet, la vision sur les crêtes de la Voya et la route qui regagne la vallée est celle dont rêve tout motard : des lacets à l’infini et pas une auto pour troubler cette approche très personnelle de la perfection.
Nous n’en croiserons pas jusqu’à Saint-Martin- d’Entraumes, où une entêtante senteur de brûlé monte au nez en s’arrêtant au STOP touchant la D2202. Est-ce la fin du monde ? Non, simplement l’odeur des plaquettes de frein surchauffées. Clignoteurs à droite, vous rejoindrez la Route des Grandes Alpes. Retour à la végétation. Scrupuleux du tracé, vous longerez ensuite la vallée au fond de laquelle coule le Var. Et si la visite d’une distillerie de plantes médicinales vous interpelle, laissez-vous donc tenter avant d’entrer dans les gorges du Daluis. Peut-être y propose-t-on une décoction, bien légitime en ces contrées tourmentées, contre le mal au cœur. De terres et de roches rouges, les gorges sont étonnantes !
Une nature exacerbée
Laissez porter le regard sur les tunnels ponctuant la route abandonnée courant sur l’autre rive. Mais pas trop, car sur la votre, 17 tunnels vous attendent, monovoies, au sol parfois humide que seul votre phare éclaire le temps de la traversée. Plaisir instantané du retour en plein jour, dans leur écrin de feu, les gorges jouent de leur étroitesse ! Les points de vue ne manquent heureusement pas pour se « rincer » l’œil à vau-l’eau. D’ailleurs, la route s’abaisse au niveau du courant tandis que les gorges s’élargissent. Le tracé s’accélère pour devenir franchement rapide sur la N202, puis bifurque à droite en direction d’Annot (D908), stop & go sur la ligne du fameux train (à vapeur) des Pignes dont on longe depuis quelques instants la voie. Peu après Annot, le village perché de Méailles s’offre, telle une crèche, au regard bienveillant du voyageur. Un cadeau de plus sur cette D210 grimpant jusqu’au col de la Colle Saint-Michel.
Nouvelle tranche de bonheur que ce parfait ruban, sinueux à souhait, comme dénué de circulation pour l’ensorcellement de ses rares privilégiés ! Après quelques frissons et un tronçon en très mauvais état, voici la station de ski nordique où le thermomètre, affichant 24° lors de notre passage, ne pu que refroidir nos envies de fondeurs. Comme tant d’autres, la redescente est magique ; on ne s’en lasse pas !
Sur la D955 qui va jusqu’à Saint-André-les-Alpes, c’est le retour à la réalité. La route devient plus vaste, progressivement plus fréquentée. En longeant le Verdon, lorgnez sur quelques canoës sans jamais perdre de vue l’aiguille de votre compteur car, avec la réalité, radars fixes et mobiles (voir « Dangers ») sont également de retour. Bon retour chez vous !